par le DR HUW J. DAVIES
Il y a 200 ans, presque à l’heure, la bataille de Waterloo commençait. L’épreuve de force finale dramatique de 22 ans de guerre, Waterloo avait toutes les apparences d’un drame bouleversant. Ce fut la seule occasion où Wellington et Napoléon se rencontrèrent. S’étant échappé de la petite île méditerranéenne d’Elbe en mars, Napoléon a tout parié pour retrouver la gloire qu’il avait perdue lors de son abdication l’année précédente. Wellington, en tant que commandant allié, représentait une union des Grandes Puissances qui avaient juré de rester sur le terrain jusqu’à l’exil définitif de Napoléon.
Cette grande bataille a été célébrée par l’histoire comme l’une des plus grandes victoires militaires britanniques. L’attaque de Napoléon sur la ligne de Wellington sur la crête du Mont St Jean près du village de Waterloo, le 18 juin 1815, fut en effet une course serrée. À plusieurs reprises, la « fine ligne rouge » s’est presque bouclée. Mais Wellington, commandant un mélange de vétérans et de recrues brutes provenant d’armées de toute l’Europe, tint bon jusqu’à ce que l’armée prussienne de Blücher arrive sur le flanc droit de Napoléon. En infériorité numérique et débordée, un assaut final de la Garde impériale échoue une dernière fois pour briser la ligne de Wellington, et l’Armée française, une fois conquérante de l’Europe, s’effondre.
Mais pour autant, pour un historien militaire impartial (et croyez-moi, il est difficile de l’être), Waterloo est en quelque sorte un anticlimax. Wellington lui-même a commenté peu après la bataille que « Napoléon n’a pas du tout manœuvré. Il a juste avancé dans l’ancien style, en colonnes, et a été chassé dans l’ancien style.’
En effet, les décisions tactiques de Napoléon à Waterloo sont très discutables. Pourquoi engager autant de troupes (environ 13 000 hommes tout au long de la journée) pour s’emparer de la ferme d’Hougoumont sur le flanc droit de Wellington ? Le plan initial de Napoléon était de forcer Wellington à renforcer son flanc droit et ainsi affaiblir son centre. Napoléon lancera alors un assaut majeur sur cette partie affaiblie de la ligne britannique. Wellington, cependant, a vu à travers la tromperie, n’a pas renforcé Hougoumont et à la place Napoléon a pompé de plus en plus d’hommes dans les environs d’Hougoumont dans le but de prendre la ferme.
De même, plus tard dans la journée, pourquoi les Français ont-ils lancé des charges de cavalerie répétées sans soutien d’infanterie ou d’artillerie? La charge initiale est compréhensible. Le maréchal Ney a confondu une réorientation de la position de Wellington avec un signe de retraite. Croyant être sur le point de détruire l’armée de Wellington, Ney lance une attaque de cavalerie. Au lieu de cela, la cavalerie française rencontre quelque 36 carrés d’infanterie bien disciplinés qui repoussent avec succès la charge française. Mais pourquoi poursuivre avec 12 autres charges et gaspiller la cavalerie de cette manière. Napoléon avait déjà illustré ses prouesses pour la bataille des armes combinées, mais Waterloo représente l’échec des armes combinées, du moins sur la partie française.
Enfin, pourquoi, lorsqu’il a ordonné l’attaque finale de la Garde impériale, Napoléon a-t-il réparti l’attaque en échelon, dissipant ainsi sa puissance meurtrière le long de la ligne britannique ? Pourquoi ne pas concentrer l’attaque en un seul endroit, le point le plus faible de la position de Wellington après la chute de la ferme centrale de La Haye Sainte ? En l’état, chaque bataillon de la Garde impériale a rencontré une position fortement défendue et a été repoussé.
Waterloo est donc l’histoire de Wellington qui tient bon avec une armée sous-optimale et de Napoléon qui gaffe mal à au moins trois reprises. Et pourtant, c’est cette bataille dont nous nous souvenons collectivement comme le plus grand triomphe militaire de la Grande-Bretagne. Bien sûr, les chances étaient longues et les enjeux élevés, mais en réalité, même si Napoléon avait battu Wellington à Waterloo, il aurait finalement dû faire face à une armée austro-russe comptant environ 400 000 hommes, alors que lui-même aurait eu à ce stade moins de 100 000 hommes.
Wellington lui-même ne considérait pas Waterloo comme sa plus grande victoire. Plus tard dans sa vie, il a évoqué sa première bataille à la tête d’une armée en Inde – la bataille d’Assaye – et la bataille de la Nivelle – une bataille de la guerre péninsulaire dans les contreforts des Pyrénées – comme ses plus grandes batailles. Et il est facile de voir pourquoi. Assaye fut une bataille difficile, menée dans des conditions extrêmes, au cours de laquelle le jeune Arthur Wellesley, un général nouvellement promu, fit preuve d’un courage et d’une habileté tactique extraordinaires. La Nivelle, quant à elle, est l’illustration d’un grand praticien de l’art opérationnel à la hauteur de ses pouvoirs. Waterloo n’était ni l’un ni l’autre. Vous pouvez en savoir plus sur ces batailles dans un article publié aujourd’hui dans le British Journal of Military History, ainsi que plusieurs autres grands travaux de recherche historique sur la guerre péninsulaire, Wellington, Napoléon et la bataille de Waterloo.
Pourquoi, alors, Waterloo était-elle importante? C’était important parce qu’il assurait la paix que les alliés avaient si durement combattue l’année précédente. La carte de l’Europe avait été retravaillée et Waterloo empêchait une autre guerre qui la déchirerait. Le 20 novembre 1815, Louis XVIII de France signe la deuxième paix de Paris, qui réaffirme les accords décidés à Vienne, et ajoute un nouveau concept – le Concert de l’Europe, qui maintiendra la paix de l’Europe pour le siècle prochain. Toutes ces choses ont été possibles parce que Napoléon a été arrêté à Waterloo.